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Le ‘’congé’’ de maternité ou parental : un cadeau empoisonné, ou juste mal nommé ?

Officiellement appelé Régime québécois d’assurance parentale, le 'congé’ de maternité ou parental est largement utilisé. Le mot “congé” évoque spontanément l’idée de repos, de détente, d’un moment pour soi. Pourtant, dans le contexte du congé de maternité ou parental, cette appellation est non seulement trompeuse, mais elle participe aussi à une forme d’invisibilisation de la charge mentale et du travail invisible des nouveaux parents.
Alors que la société semble considérer cette période comme un privilège (et ça en est tout de même un), les personnes qui la vivent savent qu’il s’agit plutôt d’un moment de transition intense, tant sur le plan physique qu’émotionnel.

Pourquoi parler de "congé" est problématique
Dès qu’un parent (souvent la mère) prend un “congé” de maternité, l’image véhiculée est souvent celle d’un repos bien mérité à la maison avec un bébé dans les bras. En réalité, rien n’est plus éloigné de ce que vivent les nouveaux parents.

Pour les mères biologiques :
Il s’agit d’un temps de récupération physique après l’accouchement, qui peut impliquer des douleurs, de la fatigue – chronique ou non - des suivis médicaux, et des ajustements hormonaux.

Pour les parents adoptants :
C’est une période d’adaptation intense, où il faut créer du lien, instaurer la confiance, et répondre aux besoins d’un enfant qu’on apprend à connaître.

Dans les deux cas, il ne s’agit en aucun cas d’un congé au sens traditionnel, mais bien d’un engagement constant, de jour comme de nuit.

Une période où les charges s’accumulent
Le piège du “congé” parental, c’est aussi qu’il justifie, parfois inconsciemment, une redistribution temporaire des responsabilités domestiques. Puisque l’un des parents “ne travaille pas” (selon la vision classique), il devient logique, pour l’entourage ou le ou la partenaire, que cette personne prenne aussi en charge :
  • la gestion des repas
  • le ménage
  • les lessives
  • la coordination de la logistique familiale
  • les tâches administratives
  • etc.
Le problème ? 
Une fois cette dynamique installée, elle perdure souvent au-delà du congé. Ce qui devait être temporaire devient la nouvelle norme.

Quand le congé se termine, mais que la charge reste
Au moment du retour au travail, la répartition des tâches ne revient pas toujours à l’équilibre d’avant. Pourquoi ?
  • Parce que certaines responsabilités se sont "stabilisées" du côté du parent resté à la maison.
  • Parce que le/la partenaire a pris l’habitude de déléguer.
  • Parce que le parent concerné intériorise ces rôles, croyant que c’est normal d’en faire plus, au nom de l’organisation familiale.
C’est ici que s’installe insidieusement une surcharge mentale durable, souvent non reconnue.

Un enjeu genré encore bien présent
Même si les modèles familiaux évoluent, les femmes continuent de prendre la majorité des congés de maternité ou parentaux. Elles sont aussi, statistiquement, celles qui assument le plus de responsabilités invisibles : rendez-vous médicaux, planification des repas, achat de vêtements pour les enfants, gestion des devoirs, etc. Heureusement, cette tendance trouve tranquillement un certain équilibre, mais ce n’est pas encore généralisé.

Ce déséquilibre contribue à :
  • un épuisement parental chronique
  • une charge mentale accrue
  • un retour au travail difficile
  • une culpabilité omniprésente : ne pas en faire assez à la maison, ou au bureau
Repenser le “congé” : un acte collectif et individuel
Pour alléger cette charge et transformer cette période en un vrai tremplin d’équilibre familial, il est essentiel de :
  1. 1. Changer le langage : Prenons l'habitude et remplaçons “congé” par “période de transition parentale”, ou “temps d’adaptation postnatal”. Les mots ont du pouvoir. Dire la réalité, c’est commencer à la transformer.

  2. 2. Revoir les attentes : Ni vacances, ni pause, cette période doit être protégée, soutenue, respectée, sans attente de performance domestique ou émotionnelle.

  3. 3. Partager équitablement : Même si un seul parent est à la maison, les tâches doivent être partagées. La parentalité n’est pas un rôle unilatéral, et la charge mentale ne devrait pas se concentrer sur une seule personne.

  4. 4. Prévoir la sortie de cette période : Le retour au travail devrait s’accompagner d’un réajustement clair des rôles. On peut faire une liste, rediscuter la logistique, et inclure les enfants plus grands dans l’organisation.

Et si on reconnaissait enfin la réalité des nouveaux parents?
L’objectif n’est pas de dramatiser cette période, mais de nommer les vrais enjeux. Le "congé" de maternité ou parental peut être un moment magnifique, mais il n’en reste pas moins exigeant.

Ce que les parents ont besoin d’entendre, ce n’est pas qu’ils sont chanceux d’avoir “du temps à la maison”, mais qu’ils ont le droit de nommer leur épuisement, de demander de l’aide, et d’exiger un vrai partage des responsabilités.

En conclusion
Non, ce n’est pas un congé. C’est un moment charnière, une période de transformation, de croissance, mais aussi de vulnérabilité.

Reconnaître cette réalité, c’est ouvrir la porte à des modèles familiaux plus équitables et durables.

Que peut-on faire, collectivement, pour que le prochain parent ne porte pas tout, tout seul ?


Ce texte s’inspire de notre balado MonMoment & Cie: Le “congé” de maternité ou parental : un cadeau empoisonné, ou juste mal nommé ?
Ou sur YouTube:  youtube.com/@MonMomentetCie

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